ARCANE XIIII : TEMPERANCE
L'HOMME SAGE FIXE DES BORNES AU DÉSIR COMME A LA CRAINTE.
Si le sujet de l'arcane XIII est mort et putréfié, s'il est prêt à renaître, il faut à l'arcane XIIII, Tempérance, effectuer cette transmutation nécessaire de l'esprit dans la matière.
Nous sommes ici en présence de la quatrième vertu cardinale. La Tempérance qui est la modération dans les désirs sensuels est aussi le gage d'un plaisir plus pur et plus plein. Relisons ensemble ce qu'en disait Spinoza :
Il est d'un homme sage de faire servir à sa réfection et à la réparation de ses forces des aliments et des boissons agréables pris en quantité modérée, comme aussi les parfums, l'agrément des plantes verdoyantes, la parure, la musique, les jeux exerçant le corps, les spectacles et d'autres choses de même sorte dont chacun peut user sans aucun dommage pour autrui.
L'intempérant est prisonnier de ses désirs, de ses habitudes. La Tempérance vise à respecter nos limites, elle est ce que Foucault appelait " le souci de soi ".
L'homme sage fixe des bornes au désir comme à la crainte , ce sont les bornes du corps et ce sont celles de la Tempérance.
Description de la lame
Une femme ou un ange incarné aux cheveux bleus piqués d'une fleur route à cinq pétales , tient entre ses mains deux vases : l'un rouge est situé sur le pan bleu de sa robe, l'autre bleu , sur le côté rouge de la robe. Entre les deux vases, un liquide blanc , sorte de fluide énergétique et spirituel circule.
Ses pieds sont cachés sous la largeur de la robe; la gorge est protégée par un large châle jaune, symbole du centre solaire que représente le chakra de la gorge. Une grosse ceinture jaune sépare le haut et le bas du corps ; il s'agit ici de tempérer ses désirs , de les rendre moins lourds, moins pesants et d'en être moins dépendants donc plus libres.
La modération, l'harmonie en quelque sorte, est dans la gamme chromatique, symbolisée par la couleur violette, faite de l'addition du rouge et du bleu que nous retrouvons dans la robe de Tempérance.
Ainsi, entre l'Arcane sans Nom et le Diable, Tempérance nous incite à ce difficile équilibre intérieur que nous devons maintenir entre les deux pôles de notre être, fait par moitié de rouge et de bleu, de terre et de ciel.
La question et la solution
Puis-je vivre sans être dépendant de l'autre, de quelque chose, d'une habitude ? Pourquoi mettre l'autre sous ma dépendance ?
Il s'agit évidemment ici de privilégier la liberté, le respect de soi-même et de l'autre.
A 17 ans, je pensais que l'amour, les relations hommes-femmes étaient quelque chose de simple et d'évident : mes parents n'y étaient pas arrivés, les gens autour de moi non plus, mais moi j'y arriverai.
C'est pourquoi je tombais amoureuse d'un fils unique, très macho, très dur, qui peu à peu m'enferma dans une cage, me coupa de mes amis , de ma famille, de moi-même ce qui aboutit 10 ans plus tard à une rupture. Je rompis avec lui mais surtout avec ce qu'il représentait d'égoïsme, et par la même occasion j'ouvris l'ère des grandes retrouvailles avec moi-même.
Si on met l'autre sous dépendance, c'est parce que l'on a peur, peur d'être quitté, peur de le voir aller vers autre chose, vers quelqu'un d'autre, peur de le voir s'échapper. Peur parce que l'on n'est pas sûr de soi, parce que l'on n'a pas confiance en soi et en la personne qui partage sa vie.
Peur et jalousie.
Je veux être le seul, l'unique. Tu n'as pas le droit, tu ne peux pas t'intéresser à autre chose qu'à moi, ou qu'à ce que j'aime.
Je te dis ce qu'il faut faire et tu le fais, je te dis ce qui est beau et tu dois le trouver beau !
L'Horreur !
Ces relations tournent très vite au cauchemar ! La peur de ce dictateur qui veut tout contrôler, tout maîtriser entraîne une autre angoisse, celle de celui qui se sent prisonnier, piégé, qui nepeut désobéir sous peine lui aussi d'être quitté.
Un bourreau, une victime.
Refusez d'être une victime et il n'y aura plus de bourreau. Il ira rapidement chercher et trouver une autre victime consentante.
L'amour, la relation, au lieu d'être un espace de chaleur, d'échange et de solidarité devient un champs de bataille où se livrent les combats les plus mesquins, les plus égoistes et les plus cruels.
Dans ces comportements névrotiques, c'est la recherche de la fuison avec la mère qui réactualise. Paradis à jamais perdu où tous les deux n'étions qu'un, où tu ne vivais que pour moi ( du moins je le croyais ) et où je pensais qu'il en serait toujours ainsi. Puis, tu m'as jeté au dehors, jeté dans le vide, et désormais je te recherche.
Amour impossible, quête insatiable. J'aimais cette dépendance et , pour compenser cette perte, deux attitudes sont possibles :
- je me conduis en maître et mets l'autre en moi, je l'incorpore;
- je deviens celui ou celle qui attend passivement d'être incorporé, dévoré pour retrouver aussi cet état merveilleux.
Il existe une troisième possibilité qui consiste à me mettre sous dépendance, non de mon semblable, mais d'un produit, d'une drogue, de l'alcool.
En moi alors il n'y a que du vide depuis que je suis sorti de ton ventre. C'est ce vide qui m'habite et je cherche la jouissance immédiate, absolue, infinie, éternelle. Je la cherche et la veux tout de suite, dans l'instant, je ne supporte pas d'attendre.
Pulsions de mort comme celles qui nous entraînent à vouloir retourner vers la mère, vers elle qui nous a donné la vie. La vie est en dehors d'elle, avec les autres, et son rôle consiste aussi à savoir me présenter le monde comme attrayant, enrichissant, gai, bon pour moi.
Etre adulte, mature, c'est un long et souvent douloureux apprentissage qui commence dès que notre désir de nous éloigner de maman apparaît , encore faut-il qu'elle encourage et approuve ce désir : Elle allait leur donner tant d'amour que leur vie entière, tissée de bons soins et de bons offices, perdrait son sens hors de sa présence ( Boris VIAN, L'arrache cœur).
Si nous comprenons que nos géniteurs n'ont qu'un désir, celui que nous soyons heureux, nous sommes sauvés ! Pour d'autres, il faudra attendre et vivre le travail de la psychothérapie ou de l'analyse pour oser penser et surtout dire : si vous n'acceptez pas que je m'éloigne , tant pis ! Je pars tout de même. Ma vie est ailleurs ! Si vous le comprenez , j'en serai heureux ; si non, j'espère que vous le comprendrez un jour;
Parfois j'en arrive à la conclusion que toute la vie d'un homme consiste à apprivoiser son être intérieur, à se montrer extérieurement tel qu'il est à l'intérieur.
Alors, Tempérance ? Tempérance nous invite au dialogue, à l'échange, à la parole vivante et libre. Elle privilégie la tendresse, l'amitié, les explications plutôt que les rancunes.
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