ARCANE XVI : LA MAISON DIEU
Si tout s'écroule, réjouis-toi, c'est que tu es encore en vie !
Description de la lame
Ce 16e arcane majeur du Tarot représente une tour en briques couleur chair; dont le haut, bordé de quatre carrés jaunes est soulevé par une langue de feu rouge et jaune, tandis que deux personnages vêtus de rouge et de bleu sont précipités à terre de part et d'autre de l'édifice.
A noter que les deux personnages touchent le sol de leurs mains; leurs visages sont sereins et ne reflètent pas la frayeur d'un homme tombant dans le vide. Leurs mains sont très proches de touffes vertes ( la nature, par son cycle éternel est un symbole de sagesse et d'espérance ) et de deux pierres blanches. Liées à la foudre, ces deux pierres du ciel sont des météorites qui serviront de base à la construction d'un autre édifice, un temple dont les matériaux seront purifiés.
32 sphéroïdes, dont 13 rouges, 13 blanches et 11 bleues constellent le ciel et tombent vers le sol. C'est ce que j'appelle dans mes précédents livres le bouleversement : les boules de l'arcane XVI versent ( c'est un bon moyen pour se rappeler le sens général de la Maison Dieu ).
Si 4, nombre de la terre, est aussi le nombre de l'Empereur, qui assure sa puissance sur terre; 16, carré de 4 exprime la totale puissance , le complet et dynamique développement, comme le montre la svastika, croix aux branches trois fous coudées qui multiplie 4 par 4 ( dictionnaire des symboles ).
La Maison Dieu symbolise la crise, le coup d'arrêt , la remise en cause brutale qui peut souvent seule ouvrir au chemin spirituel, à une meilleure compréhension de ce que nous cherchons.
Si le coup de semonce n'est pas entendu dans la plénitude de son sens, les ouvriers seront condamnés à tenter, sans aucun espoir de réussite , de bâtir la tour pour chaque fois rouler dans l'abîme.
C'est, ce qu'en psychologie, on appellera la compulsion de répétition, ou l'art de répéter à l'infini les mêmes erreurs qui entraînent les mêmes chagrins, les mêmes incompréhensions, les mêmes angoisses. Pourquoi m'a-t-il fait cela ? Pourquoi est-ce que cela m'arrive à moi? Pourquoi toujours des hommes mariés ? Pourquoi les autres me font subir de telles choses ? La réponse est invariable : pourquoi recherchez-vous ce genre de situations, ce type de personnes, pourquoi rechercher le malheur plutôt que le bonheur etc… ? Nous sommes responsables des gens que nous rencontrons et avec qui nous choisissons de poursuivre le chemin.
On ne trouve que ce que l'on cherche, on ne suit le chemin que parce que l'on a choisi de le prendre. Une fois cela compris, on a intégré que nous sommes responsables de notre vie ;
La seule personne qui peut vraiment faire quelque chose pour mois, c'est moi !
Comme le dit Wirth : Rien n'est définitif entre le haut et le bas, il n'y a pas de rejet mais un perpétuel aller et retour; du reste, les deux bâtisseurs cultutés par la catastrophe n'arrivent-ils pas indemnes ? C'est dire qu'ils pourront , qu'ils vont reprendre leur ouvrage, car une tour sans sommet , une vie non couronnée, n'est pas achevée, pas accomplie.
Pour ma part, j'aime cet arcane. Elle est le signe du mouvement, d'une recherche qui se poursuit et s'intensifie : notre propre recherche ! Sans crise, sans remise en question, sans le refus qui nous barre la route, où en serions-nous ?
La vie est bien faite et si un bouleversement, une épreuve secoue, fait trembler l'édifice, le met à terre, acceptons - le ! Rappelons-nous que la construction du temple de Salomon n'a pu s'achever; ainsi, chaque jour est à recommencer et chaque brique à vérifier pour voir si elle s'insère bien dans l'édifice.
Mais, il n'y a pas que des catastrophes qui nous bouleversent : un succès peut être bouleversant, un amour … Ne parle-t-on pas d'un coup de foudre qui , brutalement et soudainement, remet toute une vie et souvent deux vies en question ?
Le bonheur comme le malheur sont de la nouveauté qui intervienne dans notre existence, et l'homme n'aime pas la nouveauté !
La question et la solution
Faut-il redouter le coup de foudre, ou plus prosaiquement, les remises en cause sont-elles nécessaires ?
La solution, c'est : je m'adapte.
Les remises en cause, les ruptures, les deuils, tous ces bouleversements de l'existence sont inévitables. Un jour ou l'autre, nous devrons les subir.
Le premier chagrin d'amour ! Quelle tempête, que de larmes et de pleurs pour cette difficile rupture affective. Pourtant tout semblait si beau et si évident ! On était sûr que ça ne s'arrêterait jamais, que l'amour durerait toute la vie.
Cet été, j'étais chez des amis dont la fille vivait une rupture. On lisait sur son visage toute la peine et l'incompréhension du monde ! Je compatissais à ce chagrin si pur du premier amour tout en me rappelant le mien. Que de désillusions ! Puis on fait face, et surtout on s'adapte à cette nouvelle situation. Comme dans tout processus de deuil, on refuse puis on tergiverse ( la prochaine fois, je m'y prendrais autrement, je saurai lui expliquer et d'ailleurs si j'allais le voir, il comprendrait etc… ) , on invective ( pourquoi moi, ras le bol), puis au bout du compte, on accepte contraint et forcé.
De plus, un même événement n'aura pas les mêmes effets sur nous, tout dépend du moment où il intervient dans notre vie .
Boris Cyrulnik en parle très bien : Perdre sa mère à l'âge de 6 ans, c'est tomber dans le vide, dans le néant sensoriel tant qu'un substitut n'aura pas pris sa place. C'est un risque vital. Perdre sa mère à 6 ans, c'est devenir celui qui n'a plus de mère et se transforme en enfant -moins . C'est une rupture psycho-affective, un trouble de l'identité. Perdre sa mère à 60 ans , c'est prendre conscience qu'un jour ou l'autre, il faudra bien affronter l'épreuve. C'est un risque métaphysique.
Il y a des gens qui sont plus doués que d'autres pour se battre et s'inscrire dans une nouvelle étape de leur existence. Pour d'autres, cela se fait à leur insu et puis, pour certains, c'est une véritable opportunité, un nouvel espace qui s'ouvre à eux;
J'ai un cas très précis en mémoire. Il s'appelle Pierre. A 54 ans, Pierre fut pratiquement mis en pré retraite du jour au lendemain. Tout s'écroula autour de lui, il se sentit inutile et dévalorisait le moindre de ses actes, il se sentait " bon à rien ", traînait sa solitude et un vide existentiel tout au long de la journée. Un jour plus difficile que les autres, sur les conseils d'un ami, il décida de tenter quelque chose. Il m'a appelée. Nous avons longuement parlé. Il est revenu. Après plusieurs semaines, le déclic s'est produit : Si seulement, je pouvais faire quelque chose de positif avec cette saloperie qui m'arrive !
Du positif, il le fait au quotidien. Il a repris ses pinceaux, ses couleurs et ses toiles laissées 20 ans plus tôt, faute de temps, d'intérêt. Va-t-on savoir, la vie m'avait bouffé! Disait-il souvent !Aujourd'hui, il peint, il expose et surtout, tous les mercredis, il va dans un grand hôpital parisien pour animer des ateliers avec des enfants malades.
J'aperçois Pierre de temps en temps. Il est heureux. Ce coup du sort qui devait l'anéantir ( ce sont ses dires ) l'a remis en phase avec un désir qu'il portait en lui depuis longtemps, lui a permis de retrouver des enfants à qui il donne de l'amour, des couleurs, du bonheur .
Ne croyez pas que cela soit un cas unique, une belle histoire qui finit bien. J'ai des centaines d'exemples.
Croire en la vie est la plus belle réponse que je veux donner à son absurdité. Et parce que j'y crois, parce que je rêve, j'imagine des scénarios, ils se réalisent. Rêver m'a toujours sorti de toutes les blessures, les souffrances que j'ai eues à subir.
Rêver n'est pas fuir la réalité; c'est vivre dans le présent , en anticipant son avenir.
Il ne sert à rien de prédire l'avenir, il faut surtout lui permettre d'exister.
C'est à cela que je crois, et c'est à cela que je travaille avec vous tous les jours.